Le lendemain, le fameux mercredi, dans ce même petit chemin de fer que je venais de prendre à Balbec, pour aller dîner à la Raspelière, je tenais beaucoup à ne pas manquer Cottard à Graincourt-Saint-Vast où un nouveau téléphonage de Mme Verdurin m¿avait dit que je le retrouverais. Il devait monter dans mon train et m¿indiquerait où il fallait descendre pour trouver les voitures qüon envoyait de la Raspelière à la gare. Aussi, le petit train ne s¿arrêtant qüun instant à Graincourt, première station après Doncières, d¿avance je m¿étais mis à la portière tant j¿avais peur de ne pas voir Cottard ou de ne pas être vu de lui. Craintes bien vaines ! Je ne m¿étais pas rendu compte à quel point le petit clan ayant façonné tous les « habitués » sur le même type, ceux-ci, par surcroît en grande tenue de dîner, attendant sur le quai, se laissaient tout de suite reconnaître à un certain air d¿assurance, d¿élégance et de familiarité, à des regards qui franchissaient comme un espace vide, où rien n¿arrête l¿attention, les rangs pressés du vulgaire public, guettaient l¿arrivée de quelque habitué qui avait pris le train à une station précédente et pétillaient déjà de la causerie prochaine. Ce signe d¿élection, dont l¿habitude de dîner ensemble avait marqué les membres du petit groupe, ne les distinguait pas seulement quand, nombreux, en force, ils étaient massés, faisant une tache plus brillante au milieu du troupeau des voyageurs ¿ ce que Brichot appelait le « pecus » ¿ sur les ternes visages desquels ne pouvait se lire aucune notion relative aux Verdurin, aucun espoir de jamais dîner à la Raspelière.
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