Il y a quelque vingt ans, une brise chargée d¿occultisme souffla sur la littérature. C¿était l¿époque où les symbolistes inauguraient une réaction contre le matérialisme pesant dont Zola, ses émules et ses disciples pavaient leurs livres et leurs manifestes. Chez eux l¿on ne parlait que de documents humains et de tranches de vie. On niait l¿âme, on bafouait tout spiritualisme. On définissait l¿homme : une fédération de cellules agglomérées par le hasard, mue exclusivement par ses instincts et ses appétits, secouée par des névroses, courbée sous les lois implacables d¿un déterminisme sans commencement ni fin. Flot- tant sur le tout, un noir pessimisme qui disait volontiers : ¿ La vie est une souffrance entre deux néants. Sous couleur d¿études de m¿urs, qüil s¿agit de peindre la bour- geoisie ou le monde des arts, les ouvriers ou les paysans, on n¿alignait que des spécimens de tératologie sociale : des pourceaux et des ivrognes, des souteneurs et des aigrefins, des demi-fous sanguinaires et des ban- dits, des femmes détraquées ou mollement stupides, des prêtres senti- mentaux et sacrilèges. Bref, un Guignol sinistre où se démenaient des marionnettes impulsives dont la Nature aveugle tirait les ficelles, en des décors de villes et de campagnes barbouillés d¿un balai fangeux. Puis, quelles interminables descriptions ! Et quels inventaires de mar- chands de bric-à-brac de qui le cerveau se fêla pour avoir absorbé trop de manuels de vulgarisation scientifique !
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