Je m'entretenais d'Ernest Renan avec Robert Tenger : « Vous devriez bien, lui dis-je, rééditer les lettres qu'adressa en 1870 Renan à Strauss qui, comme lui en France, avait en Allemagne écrit une Vie de Jésus. Elles sont prophétiques en certaines de leurs parties. » « Je les ai lues moi aussi, me répondit-il, et l'idée que vous avez de les répandre m'était également venue. Voulez-vous les faire copier, et les présenter au nom des Éditions Brentano's ? » J'agréai à cette offre en toute humilité, avec la crainte de me montrer indigne de la tâche qui m'était amicalement confiée. Ernest Renan est en effet un des dieux de mon Olympe intellectuel et je tiendrais pour criminel de lui manquer en si peu que ce fût. Avant cette horrible guerre, quittant ma chère île de Bréhat, là-bas dans la baie de Saint- Brieuc où je passais mes vacances, je m'en allais chaque année saluer à Tréguier sa pauvre maison natale transformée en humble musée, et voir sa statue érigée en manière de défi sur le parvis de l'église dont les galeries, ainsi que les jardins du cloître attenant, baignèrent de leur silence émollient ses premières et ferventes méditations religieuses. Cette statue fut inaugurée par le président Émile Combes dans le tumulte soulevé par la croisade qu'il prêchait contre les Congrégations tenues pour coupables, non sans raison, d'avoir alimenté de diverses façons les atroces rivalités qui marquèrent la révolution dreyfusienne.
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