«On ne lit plus George Sand», nous dit-on. Soit ; mais, ne fût-ce que pour l'honneur de la langue française, on reviendra, nous le croyons, sinon à toute l'oeuvre, du moins à une partie de cette oeuvre épurée par le temps, triée avec soin par le goût public, supérieure aux vicissitudes et aux caprices de l'opinion. Quand on nous a demandé de rassembler nos souvenirs sur cet auteur et de les faire revivre dans ce temps si étrangement dédaigneux et si vite oublieux, on est allé au-devant d'un secret désir que nous avions de faire appel, un jour ou l'autre, à nos impressions d'autrefois, de les ranimer par une nouvelle lecture, de les produire à la lumière en les rectifiant et les tempérant par l'expérience acquise et la comparaison. Sand ! cette syllabe magique résumait pour nous des journées de rêveries délicieuses et de discussions passionnées. Elle représente tant de passions généreuses, tant d'aspirations confuses, de témérités de pensée, de découragements profonds, d'espérances surhumaines mêlées à l'élégante torture du doute ! c'était en une seule conscience, en une seule imagination, une partie d'une génération qui se tourmentait vaguement au milieu d'un état de choses prospère et tranquille en apparence, aux approches de 1848, comme si la tranquillité un peu monotone des événements était une excitation à désirer autre chose, à souhaiter l'émotion, à se précipiter dans l'inconnu des faits ou des idées : génération heureuse, en somme, bien que déjà remuée par des pressentiments obscurs.
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