" A une époque où les nations européennes se transforment si rapidement et tendent à une unité qui leur imprimera une physionomie uniforme, c'est un spectacle digne d'intérêt que celui d'un peuple qui a gardé son caractère propre, et, au milieu d'un changement général, est demeuré le même. C'est le spectacle que présente la Bretagne. Non pas que la Bretagne ait été entièrement insensible au mouvement qui emporte le reste du monde ; depuis près d'un siècle déjà, elle a subi de nombreuses altérations. Des cinq départements bretons, le Finistère presque seul a conservé intacts ses costumes et sa langue ; il est le plus éloigné, le bout de la terre, comme le dit son nom ; le progrès moderne ne l'a pas encore atteint. Ailleurs, dans l'Ille-et- Vilaine, les Côtes-du-Nord, le Morbihan même, le pays du combat des Trente, des pèlerinages et des chouans, les hommes presque tous ont quitté la braie celtique pour le pantalon des villes ; il n'y a plus que les femmes qui portent encore l'antique costume et la coiffure pittoresque. C'est que la femme, gardienne du foyer, est aussi celle qui abandonne la dernière les anciens usages et les traditions de la famille ; dans le costume elle met du sentiment ; le quitter, c'est rompre avec le passé, avec sa race et ses aïeux quand toutes les femmes d'un pays ne tiennent plus à leur costume, ce pays ne mérite plus de nom particulier, il en change. La langue s'est un peu mieux maintenue ; on la parle encore dans les bourgs et les villages ; c'est en breton que se fait le prône le dimanche, en breton l'allocution du recteur aux mariés."
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