Les multiples appartenances philosophiques et religieuses, la laïcisation de la vie sociale et le désenchantement ambiant induit par le paradigme développementaliste ont eu pour conséquence une fragilisation de l'ordre moral bamiléké connu sous le terme " Mà ". Il est pourtant illusoire d'imaginer que les outils traditionnels de contrôle moral seraient devenus inopérants. Aujourd'hui comme hier toute violation consciente ou inconsciente du " Mà " équivaut à un saut dans le chaos. L'opérationnalité de ce cadre éthique n'a rien perdu ni de son actualité ni de sa rigueur. Comme la Maât des anciens Egyptiens, le Mà continue à fonctionner comme une source durable de la praxis quotidienne d'où l'obligation qui est faite à chaque Bamiléké d'oeuvrer en toute conscience et à chaque instant au triomphe des valeurs chères à l'harmonie sociale et cosmique. Chaque Bamiléké prête ainsi implicitement serment de toujours défendre la vie et de la faire prospérer. Face à la violence et aux limitesde l'axiologie aujourd'hui dominante en Afrique, l'économie du débat ainsi ouvert serait coupable.