Si la littérature dispose du pouvoir de créer et transmettre des valeurs dans le monde actuel, en jugeant de la valeur esthétique de l'oeuvre, la critique littéraire tend à rendre compte, du fait et du fonctionnement littéraires, des rapports entre le savoir et la société. Patrick Sultan résume l'activité critique à trois fonctions principales: la description, l'interprétation ou l'évaluation et l'appréciation. D'où la question de savoir comment et avec quels outils évaluer et apprécier une oeuvre littéraire ? Peut-on, en dehors de tout à priori, rien qu'avec des considérations d'ordre théoriques évaluer/interpréter un texte littéraire ? Dans son essai Défense de la littérature (1968), Claude Roy écrit ceci: la critique littéraire n'est pas une science exacte, et j'ai beau essayer de pénétrer ce que cela veut dire, je n'arrive pas à comprendre très bien le sens, si ce n'est par métaphore, ou par anticipation optimiste, de l'expression "une science de la littérature" [1]. Face à cette ambiguïté de définir et de saisir le sens de la notion, il importe de nous demander à quoi sert la critique littéraire ? Cette question, aussi simpliste qu'elle semble paraître, présente des ambiguïtés dont la compréhension renvoie autant à deux problématiques indispensables et fondamentales, soulevées par Jean Paul Sartre et Tzvetan Todorov, dans toute tentative de réflexion sur la création littéraire: l'essence et le pouvoir de la littérature. Considérée ou perçue comme un système idéologique, selon une conception marxiste, puisqu'elle véhicule ou reproduit des phénomènes de la vie, des rapports sociaux donc humains de telle époque, la littérature, nonobstant son aspect immatériel, est un lieu de création et de proposition de formes et de valeurs. Tout en étant oeuvre de fiction ou création de l'esprit, elle prend sa source dans la réalité car l'écrivain produit à partir d'un cadre spatio-temporel. Fort de ce constat, l'on soutiendra qu'elle participe à la construction de l'identité -qu'elle soit individuelle ou collective. En même temps que l'oeuvre littéraire présente tel objet de la réalité ou la réalité comme objet, cet objet de la réalité ou la réalité tout simplement devient sujet de représentation auquel l'individu peut s'identifier ou s'approprier l'identification de l'objet de l'oeuvre tel qu'il y est représenté suivant le système d'identification de l'oeuvre en question. La littérature a donc, de ce fait, un double statut: social et culturel. Ce numéro de la revue Legs et Littérature entend produire un discours sur la critique littéraire et proposer de nouvelles pistes pour mieux réfléchir sur l'oeuvre littéraire. Il se propose de soulever les grandes questions portant sur les théoriques esthétiques, le genre et les pratiques littéraires. À propos des directeurs du numéro: Certifiée ès Lettres Modernes de l'École Normale Supérieure, Mirline Pierre détient une maîtrise en didactique des langues de l'Université des Antilles. Elle enseigne la littérature au secondaire et est formatrice à l'Institut français en Haïti. Ancien élève de l'École Normale Supérieure, Dieulermesson Petit Frère détient un master 2 en littératures de l'Université Clermont Auvergne et une maîtrise ès lettres de l'Université des Antilles et de la Guyane. Poète et critique littéraire, il a déjà publié deux recueils de poèmes et enseigne l'Analyse du discours à l'université de Port-au-Prince. --- [1]Claude Roy, Défense de la littérature, Paris, Gallimard, 1968, p. 159.
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