Qu'admirait Narcisse dans l'eau de la source ? Une ombre ? son reflet ? lui-même ? Toutes ces réponses sont justes : elles l'ont été, ou le sont devenues. L'évolution des mots choisis pour qualifier ce que regardait Narcisse est un signe, parmi d'autres, d'une évolution plus générale, celle de la fonction de l'image en Occident. Le présent essai invite à réfléchir à cette évolution. On y analyse quelques temps forts qui, entre le XVI e et le XXI e siècle, ont mené d'une image-icône, manifestant l'essence des choses, à une image " vraisemblable ", figurant leur apparence. Une image que nous assimilons parfois au réel , et même au vrai , ce dont jouent les nouvelles technologies, avec la " 3D " ou la " réalité virtuelle ". L'étude prend appui sur la représentation, l'architecture, les décors de théâtre, du XVI e au XXI e siècle, et part d'un fait oublié de l'histoire culturelle européenne : jusque dans les dernières décennies du XVII e siècle, l'arrivée en scène d'un personnage, ceque nous appelons son entrée , était conçue et désignée comme une sortie . L'analyse de cet étrange retournement de point de vue n'avait pas encore été menée. Elle offre des pistes pour éclairer le passage d'une image qui donnait à penser autant qu'à voir vers une image construite en fonction du point de vue humain, dont le modèle est le miroir : un modèle qui nous fait parfois négliger, ou omettre, les écarts à la fois nécessaires et inévitables entre une image, ce qu'elle représente et la vérité.