Lautréamont et Sand? Bizarre accouplement, dira-t-on. Selon la tradition, Sand serait le plus idéaliste et le plus moralisateur des écrivains; Lautréamont, au contraire, serait le plus satanique, le plus sadique, le plus nihiliste. Pour saper cette opposition, Peter Dayan commence par démontrer l'instabilité diabolique des idéaux et des moralités de Sand. Certes, ses oeuvres regorgent de principes moraux et philosophiques. Mais ces principes sont sans cesse déstabilisés; car d'un roman à l'autre ils changent radicalement; et Sand les met dans la bouche de narrateurs peu fiables, dont la philosophie patriarcale est incapable de digérer l'ouverture, la variété, l'imprévisibilité de l'espace diégétique sandien. La deuxième partie du présent essai, à propos de Lautréamont, procède en sens inverse. Les paradoxes de Lautréamont, l'instabilité inénarrable de son narrateur, se conçoivent traditionnellement dans le cadre d'une volonté générale de détruire tout principe humain ou divin. Mais Dayan présente plus positivement ces incohérences; selon lui, elles aident à bâtir un texte dont la structure est bizarrement analogue à celle de la conscience humaine elle-même - impénétrable, indéterminable, stratifiée jusqu'à l'opacité, mais productrice et destructrice à la fois d'idéaux fêlés. Il en résulte, chez les deux auteurs, une écriture qui nous montre pourquoi et à quel point il est difficile de maintenir des valeurs sûres - et qui jouit sans cesse de cette difficulté même. Chez Lautréamont et Sand, ne cherchons pas le réalisme, ni les idées grandioses; cherchons l'euphorie du possible.
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