Mêler l'Histoire à la fiction peut paraître paradoxal. Mais dans une oeuvre littéraire, l'écrivain peut puiser librement dans les deux domaines pour rendre la vision du monde qu'il porte en lui. Les Thibault et Argo constituent des exemples caractéristiques de romans dans lesquels l'Histoire fait partie inhérente de l'intrigue. Elle confère aux héros une vraisemblance incontestable, elle constitue le fond sur lequel ils se meuvent et la force qui, à la fin, les anéantit. Pour l'insérer dans le récit, les auteurs recourent à plusieurs techniques. Nous verrons comment ils utilisent les personnages et les documents, et comment à travers eux ils animent une époque avec ses crises, ses problèmes, ses aspirations et ses déceptions. Bien que l'Histoire fasse corps avec l'intrigue, sa présentation est marquée par la subjectivité des écrivains. En analysant personnages et documents, nous percevons les limites de leur objectivité et quelques indices de leur engagement, de leur position dans la société. Aux mains des écrivains, l'Histoire n'est qu'un prétexte pour s'interroger sur la condition de l'Homme et montrer son impossible affranchissement des contraintes qui le cernent.