Tout lecteur des romans de Jorge Semprun est frappé par la récurrence des recours à d'autres langues - en général l'espagnol et l'allemand - dans le texte français. Si ces recours se justifient souvent par un certain souci du réalisme, ce dernier ne suffit toutefois pas à en expliquer toutes les occurrences. L'alternance entre deux ou plusieurs langues fait partie de ces phénomènes linguistiques que les spécialistes regroupent sous le terme générique de «marques transcodiques». La présence de ces marques dans l'oeuvre de Semprun, ainsi que le rôle narratif et stylistique qu'ils y jouent, suggèrent qu'il y aurait un usage littéraire de l'alternance des codes: en changeant spontanément de langue, le bilingue est capable de faire un usage maximal de tous les répertoires linguistiques à sa disposition pour référer au monde. En ce sens, l'exploitation du bilinguisme dans l'écriture littéraire peut être considérée comme un atout de l'écrivain.