Il faisait tout à fait nuit quand le chasseur arriva au lieu où il avait dressé ses pièges la nuit précédente. C'était un de ces sites pittoresques que l'on trouve seulement dans les chaînes des montagnes Rocheuses. Des barrières presque infranchissables, de gigantesques remparts de terre et de pierres en défendaient l'approche. Mais, si bien gardée qu'il fût par la nature, ce pertuis était accessible à un trappeur[1], car ses yeux exercés savent découvrir la passe la plus étroite, et sa main sait ouvrir les portes secrètes des montagnes: ses pieds sont familiers avec les sentiers désolés, et les mousses des arbres, aussi bien que les étoiles du firmament, servent à diriger ses pas. [Note 1: Les Canadiens-français désignent ainsi les gens qui font la traite des pelleteries dans l'Amérique septentrionale.] Le chasseur avait gagné la gorge solitaire dont nous venons de parler par un cul-de-sac que longtemps il avait cru connu de lui seul. Mais ayant, depuis peu, perdu plusieurs pièges tendus, au fond de cette gorge, près d'une rivière qui l'arrosait et s'échappait, en se frayant un passage à travers les masses de granit, il avait commencé à ne plus se considérer comme l'unique violateur de cette profonde retraite. Arrivé à sa destination il eut un mouvement de surprise et de colère, facile à concevoir, en remarquant que ses pièges avaient encore disparu. Une fois assuré du fait, il se mit à fureter ça et là, autant que les ténèbres pouvaient le lui permettre, pour découvrir quelques traces des auteurs de la soustraction; mais il lui fut impossible d'obtenir la moindre preuve que le lieu eût été visité par un blanc ou un Peau-rouge.
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