Le jour était loin encore ; on venait de sonner « Matines », et les moines s¿étaient rendus à la chapelle. La nuit était froide, claire, brillante, et la forge flamboyait. Tandis que les moines priaient, Dagobert commençait sa besogne quotidienne. Depuis quelque temps, il y avait de l¿ouvrage à la forge du couvent. On était à l¿approche de la Saint-Hubert. Le prieur-abbé avait coutume de convier à cette fête tous les gentilshommes chasseurs des environs, et il y aurait dans trois jours des chevaux à ferrer. Ce qui faisait que Dagobert s¿était levé une heure plus tôt qüà l¿ordinaire, c¿est qüil tenait à terminer une grille en fer forgé que dom Jérôme, le prieur-abbé, voulait faire poser à l¿intérieur des bâtiments conventuels, pour séparer une cour d¿une autre. Or, il faut vous dire que cela se passait en l¿an de grâce mille sept cent quatre-vingts ; que Dagobert était le forgeron du couvent, et que le couvent de la Cour-Dieu, bâti en pleine forêt d¿Orléans, renfermait une communauté de moines de l¿ordre de Cîteaux. Cependant Dagobert n¿était ni moine, ni oblat, ni frère convers. Dagobert était laïque. C¿était un garçon de vingt-deux ans, taillé en hercule, d¿un visage mâle et hardi, qui n¿était pas sans beauté. De même que le royaume de France enclava pendant des siècles un royaume d¿une lieue carrée dont le maître et seigneur se nommait le roi d¿Yvetot, la puissante communauté qui courbait sous son obédience une demi-douzaine de villages avait, une enclave laïque au milieu de son domaine religieux. Cette enclave, c¿était la forge de Dagobert. Le père de Dagobert s¿appelait comme son fils, et tous leurs aïeux avaient porté le même nom.
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