Le temps est bavard comme un carnet de voyage. Pourtant, c'est bien celui qu'il me faut. Le voyage, cet instant où l'âme cloîtrée et étouffée par l'étroitesse de la ville, mais aussi l'horizon bas de nos routines se libère de ses chaînes pour communier avec la grandeur de la création divine. Oueds, montagnes, arbres faméliques, terre couleur safran, berger à la peau sombre, calciné par le soleil... il est ce moment où on est pris par le vertige de la liberté totale. N'est-ce pas qu'on peut courir ici jusqu'à perdre le souffle ? Ne puis-je pas bivouaquer sous cet acacia sans gêner quiconque ? Le silence rime avec la tranquillité, la solitude se conjugue avec la quiétude... de cette terre désolée, se dégage une vie exaltante qui me distrait de mon objectif. Un arbuste m'appelle de cet oued, une montagne me révèle des secrets, ce banc de sable me conte l'histoire de ceux qui l'ont foulé et meurtri, l'eau limpide et douce de ce puits me reflète l'histoire explosive de ces contrées. Je m'y regarde, tel un miroir, un miroir déformant. Comme l'âme obscure d'une veuve éplorée, la mienne ne s'y dessine guère. Cette eau vient des tréfonds de la terre, là où médisance et jalousie ne peuvent aucunement polluer. En moussant à travers les parois du puits, elle naît à l'instant où je la regarde. Elle est pure, inaccessible à l'aberrance humaine. Mon âme tourmentée ne pourrait s'y dessiner. Que renvoie-t-elle ? Une image dansante, fuyante par moment, instable, mais toujours insaisissable, synonyme de cette vie qui avance au gré de nos pas, sautillante parfois, telle une fillette qui cours vers sa poupée entraînée par un tourbillon de vent. Et ce sable qui renaît de sa poussière. Éternel recommencement de la vie. Est-ce nous qui sommes indifférents à l'écoulement de la vie ? Nous avons cru l'avoir embouteillée derrière les murs transparents de nos esprits, au fond de nos maisons aux cloisons de plume ou dans le refuge de nos grosses voitures aux vitres teintées. Ici, le sable bouge pour s'évader, les arbres parlent dans le silence, les montagnes grondent ces êtres sourds, les oueds crient leur désespoir, ce ciel d'un bleu écarlate qui semble vouloir fondre sur nous. Il darde vers cette horde bigarrée, fumant, palabrant par grappe humaine, son regard nostalgique. Il a connu un meilleur spectacle, il a visionné d'un regard attendri meilleur que moi. C'est un linceul transparent. Mon regard le transperce sans difficulté. Amertume ? Solitude du voyageur ? Mon âme suffoque dans l'habitacle des humains. Elle se libère et part batifoler dans cette nature vierge. Et c'est dans ce moment que l'inspiration me coupe le souffle. Je discute avec mon carnet de notes. Je palabre avec mon stylo qui court sur la feuille blanche comme un farfadet. Mes pérégrinations sur cette terre aride, mais riche en histoire ont enfanté nombre d'histoires, des légendes, que d'aucuns jugeront rocambolesques, mais qui, pour moi, trahissent un tant soit peu l'esprit fécond de ces contrées. Le voyage, c'est aussi cette escapade par avion qui devrait mener Mouhoubo et les autres vers la délivrance. La fuite de leur crime tourne court. Ils sont dans la tourmente. Croyant être rattrapés par les courroux du Ciel, ils se fendent en confessions. Ce sont les testaments du ciel, souvenirs douloureux des vies en cul-de-sac. Le voyage que raconte le temps, c'est aussi un départ sans retour. Ce temps bavard parle de mes pas qui ont croisé ceux d'Henri, un SDF de Montréal. Ce temps de solitude, chargé de nostalgie, remue ma plume. Ce livre est né de ce bavardage muet entre moi et moi-même, entre moi et ma conscience, mais aussi entre moi et mes souvenirs.
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