" À l¿époque où commence cette histoire, la presse de Stanhope et les rouleaux à distribuer l¿encre ne fonctionnaient pas encore dans les petites imprimeries de province. Mal- gré la spécialité qui la met en rapport avec la typographie parisienne, Angoulême se servait toujours des presses en bois, auxquelles la langue est redevable du mot faire gémir la presse, maintenant sans application. L¿imprimerie arriérée y employait encore les balles en cuir frottées d¿encre, avec lesquelles l¿un des pressiers tamponnait les caractères. Le plateau mobile où se place la forme pleine de lettres sur laquelle s¿applique la feuille de papier était encore en pierre et justifiait son nom de marbre. Les dévorantes presses mécaniques ont aujourd¿hui si bien fait oublier ce mécanisme, auquel nous devons, malgré ses imperfections, les beaux livres des Elzevier, des Plantin, des Alde et des Didot, qüil est nécessaire de mentionner les vieux outils auxquels Jérôme-Nicolas Séchard portait une superstitieuse affection ; car ils jouent leur rôle dans cette grande petite histoire. Ce Séchard était un ancien compagnon pressier, que dans leur argot typographique les ouvriers chargés d¿assembler les lettres appellent un Ours. Le mouvement de va-et-vient, qui ressemble assez à celui d¿un ours en cage, par lequel les pressiers se portent de l¿encrier à la presse et de la presse à l¿encrier, leur a sans doute valu ce sobriquet. En revanche, les Ours ont nommé les compositeurs des Singes, à cause du continuel exercice qüils font pour attraper les lettres dans les cent cinquante-deux-petites cases où elles sont contenues. À la désastreuse époque de 1793, Séchard, âgé d¿environ cinquante ans, se trouva marié. Son âge et son mariage le firent échapper à la grande réquisition qui emmena presque tous les ouvriers aux armées. ....
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