Nul homme ne fut peut-être mieux préparé que Mirabeau à la carrière oratoire. Ces conditions de savoir universel réclamées par les anciens, il les remplissait mieux que personne en 1789. Sa lecture était prodigieuse, grâce aux longues an- nées qüil avait passées en prison. Ni au château d¿If, ni au fort de Joux, ni au donjon de Vincennes, les livres ne lui furent interdits. Il en demande et en obtient de toutes sortes : romans, histoire, journaux, pamphlets, traités de géométrie, de physique, de mathématiques affluent dans sa cellule, et, si on tente de les lui refuser, son éloquence irrésistible séduit et conquiert geôliers et gardiens. Loin d¿être isolé, par sa captivité, du mouvement des idées, il reste en contact quotidien avec le développement intellectuel de son époque. C¿est peu de lire : il prend des notes, fait des ex- traits, envoie chaque jour à Sophie un journal où ses impressions de lecteur tiennent autant de place que ses effusions d¿amoureux, commente et traduit Tacite, compose son Essai sur les lettres de cachet et sur les prisons d¿Etat, un essai sur la Tolérance, et, pour l¿éducation de l¿enfant que va lui don- ner sa maîtresse, une mythologie, une grammaire française, un cours de littérature ancienne et moderne ; enfin, pour dé- cider Sophie à vacciner cet enfant, un traite de l¿inoculation. Ce ne sont là que ses griffonnages de prisonnier.
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