Dès la seconde moitié du XVIIIe siècle, les éleveurs nomades kirghiz se sont retrouvés malgré eux au centre de rivalités politiques et militaires entre la Russie (puis l'URSS) et la Chine nées de l'irruption des frontières. A partir de l'indépendance de la Kirghizie en 1991, les luttes d'influence se sont étendues aux nouveaux Etats riverains: le Kazakhstan, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan. De plus, par delà les tensions régionales, l'antagonisme entre la Russie et les Etats-Unis attise les querelles locales en se greffant sur les traditionnels antagonismes tribaux et ethniques. L'ensemble des influences extérieures a contribué à façonner l'identité nationale kirghize actuelle. Cependant, aujourd'hui, cette même identité se développe selon deux voies diamétralement opposées. A une identité "kirghizstanaise", ouverte à toutes les minorités nationales, citoyenne, démocratique et portée par une jeunesse active, se dresse une autre identité kirghize, ethnique et nationaliste, exclusive, centrée autour des seuls Kirghiz (incluant ceux de la diaspora) et se développant sur le terreau de la misère sociale, de l'ignorance et de la démagogie politique.