Toujours en cheminement (" comme frères mineurs vont leur chemin faisant ") vers un insaisissable point, " éternel tiers " ou " ici-loin ", Beckett ne cesse de nous prévenir, comme Pascal en son temps, de deux erreurs fatales : " 1 prendre tout littéralement. 2 prendre tout spirituellement ". En acceptant l'inconnaissable, l'écrivain a su convertir l'esprit trivial irlandais - cette lande ironique, quoique parfois mystique - en chair spirituelle, en langue (a-)visuelle. Le travail beckettien - pas seulement textuel, lorsqu'il est théâtral, radiophonique, télévisuel... - oeuvre à la " transsubstantiation " de la matière en lumière, relie le concret à l'abstrait, bien que la lumière puisse encore être de l'ordre du phénomène, en tant que vestige d'un big-bang esthétique inédit. Pour Beckett, face à la mise en doute de " l'être-là " comme de " l'au-delà ", l'auteur a préféré employer la notion d'" autre-là ". Car " il n'y a rien ailleurs ", tout est dans " l'autre-là " d'un passage luminescent, d'une trace, d'un mirage, ou d'une réelle lucidité. La solution paradoxale d'un réalisme mystique, d'une spiritualité sans dieu, sans religion, sans évidences, ouvre au " dépaysement ", à la glissade - ou à l'élan - " vers l'inconnu en soi ", ce " hors-sujet " indiscernable, encore une fois cet " autre-là ", à la fourche des voies.
"Cet ouvrage est (...) le fruit d'une lecture convaincante, informée et utile, de l'oeuvre théâtrale: il figurera certainement en bonne place dans la bibliothèque des spécialistes de cet auteur, ainsi que dans les bibliographies d'autres encore." (Florence Godeau, La Revue des Lettres modernes, 2012)