" Ce dimanche là, un dimanche de juillet chauffé à blanc, il y avait, à l'occasion du concours régional, une grande fête de jour aux arènes d'ApsenProvence. Toute la ville était venue: les tisserands du CheminNeuf, l'aristocratie du quartier de la Calade, même du monde de Beaucaire. «Cinquante mille personnes au moins!» disait le Forum dans sa chronique du lendemain; mais on doit tenir compte de l'enflure méridionale. Le vrai, c'est qu'une foule énorme s'étageait, s'écrasait sur les gradins brûlés du vieil amphithéâtre, comme au beau temps des Antonins, et que la fête des comices n'était pour rien dans ce débordement de peuple. Il fallait autre chose que les courses landaises, les luttes pour hommes et demihommes, les jeux de l'étrangechat et du saut sur l'outre, les concours de flûtets et de tambourins, spectacles locaux plus usés que la pierre rousse des arènes, pour rester deux heures debout sur ces dalles flambantes, deux heures dans ce soleil tuant, aveuglant, à respirer de la flamme et de la poussière à odeur de poudre, à braver les ophtalmies, les insolations, les fièvres pernicieuses, tous les dangers, toutes les tortures de ce qu'on appelle làbas une fête de jour. Le grand attrait du concours, c'était Numa Roumestan. Ah! le proverbe qui dit: «Nul n'est prophète...» est certainement vrai des artistes, des poètes, dont les compatriotes sont toujours les derniers à reconnaître la supériorité, toute idéale en somme et sans effets visibles; mais il ne saurait s'appliquer aux hommes d'État, aux célébrités politiques ou industrielles, à ces fortes gloires de rapport qui se monnayent en faveurs, en influences, se reflètent en bénédictions de toutes sortes sur la ville et sur l'habitant."
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