Comment s'explique cette prédilection de Verlaine pour la dissonance? Mallarmé avait déjà reconnu le procédé de la dissonance voulue dans "Sagesse". D'autres y voient une panacée universelle qui rend la poésie "plus vague et plus soluble" mais qui, au besoin, la tonifie. Pour Yves Le Hir aussi, la seule fonction de la dissonance serait de surprendre et de forcer l'attention. Selon Pierre Glaudes il s'agit pour le poète d'échapper ainsi "aux fausses clartés de l'esprit" et de refuser "une cohérence trop rationnelle, en un balancement indécis". On remarquera que Hegel avait déjà prédit cette attitude: "lorsque le sujet manque d'un fond psychique stable, lorsque la personnalité ne repose pas sur une base objective suffisamment solide", la création elle non plus n'est pas "ferme, exempte d'hésitations". Ayant perdu sa certitude "ferme", l'âme du poète lyrique se dédouble et se disperse derrière des voix dicordantes, tel Pouchkine ou Dostoïevski derrière leurs héros. Mais parfois elle se recueille et, éblouissante, surgit avec une énergie décuplée pour produire ce que Northrop Frye appelle le style haut hiératique.