Je n'ai jamais connu de femme douée plus qu'Albertine de plus heureuse aptitude au mensonge animé, coloré des teintes mêmes de la vie, si ce n'est une de ses amies - une de mes jeunes filles en fleurs aussi, rose comme Albertine, mais dont le profil irrégulier, creusé, puis proéminent à nouveau, ressemblait tout à fait à certaines grappes de fleurs roses dont j'ai oublié le nom et qui ont ainsi de longs et sinueux rentrants. Cette jeune fille était, au point de vue de la fable, supérieure à Albertine, car elle n'y mêlait aucun des moments douloureux, des sous-entendus rageurs qui étaient fréquents chez mon amie. J'ai dit pourtant qu'elle était charmante quand elle inventait un récit qui ne laissait pas de place au doute, car on voyait alors devant soi la chose - pourtant imaginée - qu'elle disait, en se servant comme vue de sa parole. La vraisemblance seule inspirait Albertine, nullement le désir de me donner de la jalousie. Car Albertine, sans être intéressée peut-être, aimait qu'on lui fît des aménités.