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Extrait I Dans la salle à manger des Étrangers du Club des Chauffeurs, le dîner prenait fin. Il était dix heures. Les maîtres d’hôtel apportaient le café, les valets de pied s’étaient retirés, et dans le salon voisin les boîtes de cigares préparées attendaient les fumeurs. Douze convives, six hommes et six femmes, et pour amphitryon Cyprien Marenval, le célèbre industriel qui a fait une immense fortune en fabriquant et en vendant le racahout qui porte son nom. Autour de la table ornée de fleurs rares, étincelante de cristaux et d’argenterie, dans un désordre et une familiarité que l’excellence…mehr

Produktbeschreibung
Extrait
I
Dans la salle à manger des Étrangers du Club des Chauffeurs, le dîner prenait fin. Il était dix heures. Les maîtres d’hôtel apportaient le café, les valets de pied s’étaient retirés, et dans le salon voisin les boîtes de cigares préparées attendaient les fumeurs. Douze convives, six hommes et six femmes, et pour amphitryon Cyprien Marenval, le célèbre industriel qui a fait une immense fortune en fabriquant et en vendant le racahout qui porte son nom. Autour de la table ornée de fleurs rares, étincelante de cristaux et d’argenterie, dans un désordre et une familiarité que l’excellence du repas et la qualité des vins expliquaient, les demi-mondaines et les aimables viveurs réunis par Marenval, écoutaient un grand garçon blond qui, malgré des interruptions fréquentes, continuait à parler avec une imperturbable tranquillité :
— Non ! je ne crois pas à l’infaillibilité humaine, même chez ceux qui ont pour profession de rendre des arrêts et qui, par conséquent, peuvent se targuer d’une expérience particulière. Non ! je ne crois pas que dès qu’un citoyen, comme vous et moi, est assis sur le banc de bois de la tribune d’un jury, il soit foudroyé par des révélations supérieures qui lui donnent la science infuse. Non ! je ne crois pas que de braves pères de famille, et même des célibataires, parce qu’ils ont revêtu une robe noire ou rouge, avec ou sans hermine, ne soient plus susceptibles de se tromper et rendent des arrêts qui soient indiscutables. En résumé, je réclame le droit de croire à l’aveuglement de nos compatriotes en général et des juges en particulier, et je pose, en principe, la possibilité de l’erreur judiciaire !…
Il y eut un tumulte dans l’assistance. Un concert d’imprécations s’éleva et quelques-unes de ces dames commencèrent à frapper leurs verres avec la lame de leurs couteaux. Les amis de l’orateur essayèrent une fois encore de lui imposer silence :
— Maugiron, tu nous assommes !
— À l’amende d’un souper, Maugiron !
— Il file comme un macaroni, cet animal-là !
— En voilà un qui est vieux jeu ! Il s’occupe de la magistrature !
— Demande une place de substitut, dis !
— Vous êtes tous des idiots, cria Maugiron, profitant d’une accalmie...