Prologue 19 juin 1986. J'ai eu 15 ans il y a quelques jours à peine. Les vacances d'été viennent tout juste de commencer. J'ai passé mon brevet des collèges. Le certificat d'études, on appelait ça avant. Ces enfoirés du ministère de l'Éducation nationale ont jugé bon de remettre cet examen au goût du jour, et la première année il faut que ça tombe sur moi. M'en fous, remarque, brevet ou pas, je passe en seconde. Et puis, ça y est, c'est l'été. En fin d'après-midi, j'ai rendez-vous avec mon copain Florent, chez lui. Je débarque, j'entre sans frapper. Comme d'habitude, Florent est dans la cuisine. La radio est allumée. Chez lui, on écoute Europe 1 toute la journée. Florent fait une drôle de tête. Il est assis. Il me demande : - T'es au courant ? - Ben non, quoi ? - Coluche est mort ! Là, je lui dis d'arrêter ses conneries, que franchement c'est pas drôle, et que, s'il tient vraiment à faire une blague, il pourrait en trouver une moins con et moins cruelle. - Mais t'es con ou quoi ? Écoute ! Il monte le son du petit poste. L'information tourne en boucle. Je m'assois à mon tour, abasourdi, blême. Coluche est mort... Cette anecdote est somme toute assez banale. Elle ne vient là que pour illustrer une vérité, une évidence : tous ceux qui ont aimé Coluche savent exactement où ils se trouvaient le jour et au moment où ils ont appris sa mort... Je ne fais pas exception. La mort de Coluche a été un drame national, pour tous. Mais encore plus pour les adolescents qui le regardaient comme un exemple, un frangin. Coluche était le président de coeur des prolos, des sans-voix, des dérangés du système, l'homme qui gueulait à l'oreille de tout le monde. Pourquoi murmurer ? On risque de ne pas se faire entendre ! Pendant une dizaine d'années, il va secouer la France de bas en haut, du bas vers le haut, pour décoller la pulpe qui reste désespérément au fond et qui semble s'accommoder de cette stagnation, comme s'il n'y avait pas moyen d'aller voir ce qui se passe du côté du goulot de la bouteille. Pourtant, cet homme qui, toute son existence, se réclamera des pauvres, des incultes, des banlieusards n'est pas né miséreux, il n'a juste pas eu de chance. Cette légende, il se la construira, au fil des années, au fil des colères. Voici l'histoire d'un mec qu'on n'oubliera pas de sitôt. 1 Du mauvais côté du périph « Je ne suis pas un nouveau riche, je suis un ancien pauvre. » Michel Colucci a vu le jour dans une
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