« Notre reine de coeur (c'est comme ça que j'appelle Sarika) a deux robes similaires, l'une violette, l'autre noire. Elle a acheté les tissus rue Nahalat-Benyamin et les a elle-même cousues, le gendarme ne pouvant se permettre de lui offrir un tel luxe. Ces deux robes ont un décolleté extrêmement profond, qui dévoile ses épaules rondes et pleines, le gros grain de beauté piqué au milieu de son épaule gauche, et surtout sa poitrine, pleine et ferme, on dirait un volcan qui va jaillir à tout moment ! Dès l'instant où elle presse les cartes contre ses seins, ceux-ci se mettent à vivre, ils remuent vers le haut et les côtés. Et je sais qu'à cet instant, chacun de nous rêve de recevoir, au tour suivant, ces cartes-là, celles qui sont présentement posées entre mont béni et mont maudit, dans le décolleté de cette femme assise en face de moi et dont le genou effleure le mien. Il ne faut surtout pas songer à plus, son mari, assis parmi nous, la surveille avec une vigilance accrue. » Grand amateur de poker et de musique arabe, Yossef Alfondari n'en est pas moins un affreux jojo : roi des paradoxes, enfermé dans ses préjugés, véritable fléau pour son entourage familial, il déroule le film cruel et étonnant d'une existence en perpétuel décalage, d'abord dans l'Égypte des années vingt puis dans un Israël sans concessions. Traduit de l'hébreu par Laurence Sendrowicz.
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