Heidegger est l'objet, ou l'enjeu, singulièrement en France, d'une polémique permanente. D'un côté ceux qui, installés dans le culte du Penseur, nient catégoriquement que quoi que ce soit, dans sa vie comme dans sa philosophie, ait entretenu un rapport quelconque avec le nazisme. De l'autre ceux pour qui Heidegger a été de part en part un idéologue du nazisme, voire l'inspirateur, aussi actif que secret, de ses pires aspects, et, du coup, est totalement discrédité comme philosophe. Barbara Cassin et Alain Badiou ont toujours pensé, à partir d'expériences personnelles et d'orientations de pensée singulièrement différentes, que cette polémique était mal centrée. Leur position, au fond très simple, est qu'il faut accepter le paradoxe suivant : oui, Heidegger a été un nazi, pas un nazi de première importance, un nazi ordinaire, un petit bourgeois nazi de province. Oui, Heidegger est sans aucun doute un des philosophes les plus importants du XXe siècle. Ce texte, qui devait à l'origine introduire une édition de la correspondance choisie d'Heidegger et de sa femme - un projet interdit par les ayants droit -, traite non seulement du paradoxe du grand philosophe égaré dans le nazisme, mais aussi d'un aspect très frappant de cette correspondance, à savoir le rapport du même grand philosophe aux femmes. A sa femme Elfride, naturellement, mais aussi à bien d'autres dont au cours de sa longue vie il a été l'amant. On a là une figure de couple tourmenté et indestructible, qui apparaît comme une réplique provinciale et allemande au couple Sartre-Beauvoir.
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