Tandis que l’enfant allait et venait, la mère, une fois de plus, reportait sa pensée vers les années heureuse : celles de son enfance, celles de sa courte union avec Adrien de Sourzy. Puis les malheurs avaient commencé : la mort de son mari, la vente trop hâtive, dans de mauvaises conditions, d’une propriété jusque-là prospère ; des placements défectueux émiettant rapidement la fortune de la veuve. Celle-ci, de nature passive et indolente, n’était pas capable de remonter le courant. De plus, sa santé s’altérait... Un dernier coup lui fut porté quand ce qui lui restait pour vivre sombra dans une catastrophe financière. Brisée par cette suite de malheurs, elle quitta la ville de province où elle vivait depuis son veuvage et vint s’installer à Paris avec Lilian, qui avait alors dix ans. Une de ses amies, restée fidèle à l’infortunée, lui procura quelques leçons. Mais la pauvre femme tomba malade, dut rester plusieurs mois chez elle et ne retrouva plus ensuite ses élèves, qui s’étaient adressées à une autre. D’ailleurs, les forces l’abandonnaient complètement. Maintenant, elle ne sortait presque plus... Madame Burdennes, son amie, très gênée elle-même, chargée d’une nombreuse famille, ne pouvait lui venir en aide autrement que par des conseils, des adresses de maison où Lilian allait demander, pour sa mère, quelque ouvrage de couture. La plupart du temps, on l’éconduisait. Cependant, une entrepreneuse de lingerie avait consenti à lui donner du travail, rétribué de façon infime, et qui devait être livré à jour fixe. Madame de Sourzy accepta... et maintenant elle usait ses dernières forces pour ajouter ce pauvre gain à la petite rente viagère de quelques centaines de francs qui permettait à la mère et à l’enfant de ne pas mourir de faim.