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Dans notre étude sur les transformations morales en général, nous n’avons pu suivre séparément les transformations opérées ou à opérer dans chacune des branches principales de la morale. Le temps nous manque pour entreprendre toutes ces monographies. Mais il en est une qui peut être abordée pendant le peu de temps qui nous reste, et qui, par sa nature, est facile à détacher : c’est l’examen des variations de la morale sexuelle. Je m’attache à cette catégorie de devoirs parce qu’il n’en est pas qui soit plus propre à réfuter certaines erreurs accréditées et à mettre sur la voie des véritables…mehr

Produktbeschreibung
Dans notre étude sur les transformations morales en général, nous n’avons pu suivre séparément les transformations opérées ou à opérer dans chacune des branches principales de la morale. Le temps nous manque pour entreprendre toutes ces monographies. Mais il en est une qui peut être abordée pendant le peu de temps qui nous reste, et qui, par sa nature, est facile à détacher : c’est l’examen des variations de la morale sexuelle.
Je m’attache à cette catégorie de devoirs parce qu’il n’en est pas qui soit plus propre à réfuter certaines erreurs accréditées et à mettre sur la voie des véritables principes explicatifs de notre sujet. Aux partisans, si nombreux, d’un évolutionnisme unilinéaire qui prétendrait assujettir la morale à traverser une série unique et réglée de phases successives, il suffit d’objecter la diversité si grande des points de départ de l’évolution de la morale sexuelle dans les diverses sociétés, souvent même les plus rapprochées, la diversité non moins grande du cours capricieux et zigzagant de cette évolution, et la différence profonde aussi de son aboutissement, autant qu’il est possible d’en juger, et bien qu’on puisse démêler à certains égards, à travers tant de dissemblances, une certaine tendance générale peut-être.
Il y a quelques années, sous l’influence de quelques auteurs tels que Bachofen, Mac Lennan, Sir John Lubbock, Morgan, etc., on inclinait à penser que la promiscuité au sein du clan ou de la tribu avait été le point de départ primitif et universel de l’évolution des rapports sexuels. Cette hypothèse a été battue en brèche par Westermarck, entre autres écrivains, avec une si grande vigueur qu’il n’en reste rien. Ce que l’on considérait à tort comme la règle est devenu l’exception infime et même contestable. Beaucoup de peuples, par exemple les Fuégiens, qu’on avait signalés comme livrés à la promiscuité la plus bestiale, professent au contraire de l’aversion pour l’adultère et le libertinage ; et, si chez d’autres peuples on voit une licence de mœurs qui s’approche de la promiscuité, ce n’est nullement chez les peuples les plus inférieurs. Les Veddahs, le plus infime peut-être des peuples connus, pratiquent la monogamie indissoluble. — Les tribus les plus immorales sont celles qui ont été corrompues par le contact des Européens...

Autorenporträt
Jean-Gabriel Tarde, né le 12 mars 1843 à Sarlat-la-Canéda et mort le 12 mai 1904 à Paris, est un sociologue et psychologue social français, l'un des premiers penseurs de la criminologie moderne. Ses fils, Alfred de Tarde (1880-1925), Paul Tarde (1878-1948) et Guillaume Tarde (1885-1989), poursuivirent un moment son ¿uvre. Adversaire de la théorie de Cesare Lombroso sur l'origine biologique du crime, mais surtout le concurrent d'Émile Durkheim lors des premiers débats qui donneront naissance à la sociologie moderne française, il s'est fait connaître notamment par son ouvrage intitulé Les Lois de l'imitation (1890), qui rend compte des comportements sociaux par des tendances psychologiques individuelles. S'il fut un des grands acteurs des débats intellectuels de la seconde moitié du xixe siècle, ses travaux sont restés dans l'ombre de ceux de l'école durkheimienne. Son ¿uvre est aujourd'hui redécouverte et fait l'objet d'une réédition complète dans la collection « Les Empêcheurs de penser en rond » sous la direction d'Éric Alliez.