Nombre d'historiens (et parmi eux quelques illustres) demeurent soumis à un modèle _ la " société féodale ". Comme tout modèle rigide, il les pousse à forcer le trait, à transformer les évolutions en ruptures (par exemple la France de l'an mil), à interpréter toute variation dans le style ou le volume de la documentation comme l'indicateur de bouleversements sociaux. La coupe est pleine quand on fait ressurgir le mythe des terreurs de l'an mil! Contre la " révolution " prétendument survenue en ces temps, il faut revenir à la chronologie traditionnelle. La servitude antique a changé de visage dès le IXe siècle et la classe dominante a très longtemps conservé les mêmes valeurs, la chevalerie n'ayant pas surgi ex nihilo à l'aube du XIe siècle (Charlemagne n'était-il pas déjà " chevalier "?). L'histoire des sociétés médiévales marche d'un pas lent, et les évolutions l'emportent sur les mutations brusques. Mais l'auteur ne se borne pas à s'en prendre aux idées à la mode; il multiplie les études de cas, s'attachant aux rites d'entrée et de sortie dans la servitude et la chevalerie, à leurs fonctions pratiques et aux idées qui les sous-tendent. Il montre aussi que coexistent une noblesse héritée et une énergie proprement chevaleresque; on retrouve en Charlemagne l'éclat d'une chevalerie royale et dans les récits de la paix de Dieu (989-1054) l'emprise des modèles de l'Ancien Testament. Professeur d'histoire médiévale à l'université de Paris-XII, directeur d'études à l'Ecole pratique des hautes études (EPHE), Dominique Barthélemy a publié, entre autres ouvrages, La Société dans le comté de Vendôme, de l'an mil au XIVe siècle (Fayard, 1993).
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