Que signifiait l'occupation pour les familles belges de l'époque ?
Un de mes petits-fils m'a demandé un jour si nous avions fait de la résistance, caché des juifs pendant la guerre. J'ai répondu que non en parlant de notre ignorance, de l'exiguïté de notre rez-de-chaussée, du problème de ravitaillement, de l'occultation... Un fossé d'incompréhension nous séparait. J'étais bloquée par l'impuissance à lui expliquer les choses. Comment évoquer les années d'occupation en une phrase ? " Je te raconterai un jour comment j'ai vécu la guerre de treize à dix-huit ans, en détails. " J'ai tenu parole : c'est La Rawette. L'histoire d'une gamine et d'une famille modeste dans la banalité du quotidien, ce qui n'empêche pas les contrecoups violents des événements et du régime en place, ni les fulgurances de l'imaginaire d'une adolescente heureuse de vivre, envers et contre tout.
Un témoignage poignant qui nous plonge dans la réalité quotidienne des années d'occupation
EXTRAIT
Des trois ans passés à Malines (Mechelen), j'ai quelques souvenirs.
Une photographie prise devant notre demeure montre la famille au grand complet : mes parents, proches de la quarantaine, et deux grandes filles, l'une, blonde comme les blés, Berthe, l'autre, châtain, les mains derrière le dos, longue et bien faite, Marthe. Dans les jambes de ma mère, un petit bout aux cheveux bouclés, au regard grave, c'est moi, la rawette.
C'est ainsi que mon père m'appelait en wallon :
- Mi p'tite rawette...
Un mot qui n'a pas son équivalent en français et qui désigne le petit plus qu'un commerçant ajoute à votre commande avec un clin d'oeil complice : une tranche de saucisson ou un abricot en prime. Cette aimable pratique ne se vit plus que sur les marchés. Elle nécessite une relation directe et cordiale entre le vendeur et l'acheteur, perdue à jamais dans nos grandes surfaces. Un mot bien choisi puisque je suis née dix ans après la deuxième fille, rompant l'harmonie du quatuor familial, inattendue, mais accueillie. Quand j'ai saisi le sens de cette étiquette, je balançais entre l'humiliation d'être ce petit rien et la satisfaction d'être ce qui fait plaisir. En somme, quelque chose qui n'a pas de prix.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Louise Lacharon, née en 1926, a longtemps mené de front son métier de professeur, ses activités de responsable syndicale et de citoyenne engagée ainsi que sa vie de mère et de grand-mère. Ce n'est donc qu'à l'âge de la retraite qu'elle a enfin pu répondre à son désir d'écrire. Son premier livre, Le Jardin d'Enfance, présenté par Le Ligueur, préfacé par Gilles Perrault, a été édité à Paris en 2002.
Un de mes petits-fils m'a demandé un jour si nous avions fait de la résistance, caché des juifs pendant la guerre. J'ai répondu que non en parlant de notre ignorance, de l'exiguïté de notre rez-de-chaussée, du problème de ravitaillement, de l'occultation... Un fossé d'incompréhension nous séparait. J'étais bloquée par l'impuissance à lui expliquer les choses. Comment évoquer les années d'occupation en une phrase ? " Je te raconterai un jour comment j'ai vécu la guerre de treize à dix-huit ans, en détails. " J'ai tenu parole : c'est La Rawette. L'histoire d'une gamine et d'une famille modeste dans la banalité du quotidien, ce qui n'empêche pas les contrecoups violents des événements et du régime en place, ni les fulgurances de l'imaginaire d'une adolescente heureuse de vivre, envers et contre tout.
Un témoignage poignant qui nous plonge dans la réalité quotidienne des années d'occupation
EXTRAIT
Des trois ans passés à Malines (Mechelen), j'ai quelques souvenirs.
Une photographie prise devant notre demeure montre la famille au grand complet : mes parents, proches de la quarantaine, et deux grandes filles, l'une, blonde comme les blés, Berthe, l'autre, châtain, les mains derrière le dos, longue et bien faite, Marthe. Dans les jambes de ma mère, un petit bout aux cheveux bouclés, au regard grave, c'est moi, la rawette.
C'est ainsi que mon père m'appelait en wallon :
- Mi p'tite rawette...
Un mot qui n'a pas son équivalent en français et qui désigne le petit plus qu'un commerçant ajoute à votre commande avec un clin d'oeil complice : une tranche de saucisson ou un abricot en prime. Cette aimable pratique ne se vit plus que sur les marchés. Elle nécessite une relation directe et cordiale entre le vendeur et l'acheteur, perdue à jamais dans nos grandes surfaces. Un mot bien choisi puisque je suis née dix ans après la deuxième fille, rompant l'harmonie du quatuor familial, inattendue, mais accueillie. Quand j'ai saisi le sens de cette étiquette, je balançais entre l'humiliation d'être ce petit rien et la satisfaction d'être ce qui fait plaisir. En somme, quelque chose qui n'a pas de prix.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Louise Lacharon, née en 1926, a longtemps mené de front son métier de professeur, ses activités de responsable syndicale et de citoyenne engagée ainsi que sa vie de mère et de grand-mère. Ce n'est donc qu'à l'âge de la retraite qu'elle a enfin pu répondre à son désir d'écrire. Son premier livre, Le Jardin d'Enfance, présenté par Le Ligueur, préfacé par Gilles Perrault, a été édité à Paris en 2002.
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