Lorsque je me repris à vivre un peu, le premier objet dont la présence me fut révélée eut l’aspect d’un flacon cylindrique de sept ou huit centimètres de haut, muni d’un bouchon compte-gouttes, à l’émeri, et qui, sur son flanc, portait une étiquette rouge vif tournant au cinabre. Il m’occupa longtemps, je pense. Il représentait tout ce que les philosophes ont coutume d’appeler le monde extérieur. J’avais éprouvé déjà quelques vagues sensations de lumière, de parfums et de couleurs ; des sons avaient vibré jusqu’à mon tympan : l’écho d’une cloche, un coup de sifflet venant peut-être de la rue, le tambourin des doigts clairs de la pluie sur une vitre, le bruit sourd d’un meuble roulé, mais je ne savais placer au juste ces nouveautés dans le temps ni dans l’espace et je dois ruser, aujourd’hui, pour me les rendre intelligibles à moi-même, tant elles retournaient vite se fondre dans la nuée obscure de ce demi-sommeil qui me cloîtrait entre ses parois de velours.
Comment décrire ces choses ?
Des rayonnements, des éclairs, des bouffées, un bourdon grave et lent, un flux de la pénombre sur l’horizon noir, le reflux d’une brume striée de jaune qui montait et baissait en moi, si ce n’était au dehors.
Comment décrire ces choses ?
Des rayonnements, des éclairs, des bouffées, un bourdon grave et lent, un flux de la pénombre sur l’horizon noir, le reflux d’une brume striée de jaune qui montait et baissait en moi, si ce n’était au dehors.