Carolia d’Eichten, descendante d’une vieille famille suisse du canton d’Argovie, avait des liens de parenté avec la comtesse Sophie. Celle-ci, veuve d’un frère cadet du comte Chlodwig de Hornstedt, était venue tenir la maison de son beau-frère quand celui-ci avait perdu sa femme, peu après la naissance de Siegbert. Elle amenait avec elle la petite Carolia, orpheline et à peu près sans fortune, que sa mère mourante lui avait confiée. La plus généreuse hospitalité fut accordée à l’enfant étrangère par Monsieur de Hornstedt. Carolia se vit traitée comme la sœur de Siegbert et, de trois ans seulement moins âgée que celui-ci, elle devint sa compagne de jeux... Bientôt le comte, sur la suggestion de sa belle-sœur, envisagea sans aucun déplaisir l’idée que Carolia d’Eichten deviendrait la femme de l’héritier des Hornstedt. Les deux enfants avaient été entretenus dans cette pensée par la comtesse Sophie, qui désirait ardemment ce mariage pour sa filleule. Siegbert, de nature très autoritaire, trouvait chez Carolia une parfaite souplesse, une admiration sans bornes et une adhésion empressée à toutes ses volontés. Lui, assez froid d’apparence, et facilement ironique, lui laissait pourtant voir parfois la tendresse un peu dominatrice qu’elle lui inspirait. Néanmoins, il n’y avait pas eu entre eux, jusqu’ici, d’engagement formel. Siegbert, en ces dernières années, avait beaucoup voyagé, puis, entre temps, passé plusieurs mois à Vienne, où son père ne mettait plus les pieds. Les deux jeunes gens s’étaient donc peu vus, depuis quelque temps. Mais les idées du jeune comte n’avaient pas changé, quant à ce projet de mariage, ainsi qu’en témoignait la déclaration fort nette qu’il venait de faire au comte Chlodwig. Mademoiselle d’Eichten semblait très heureuse d’une telle perspective. Bien que Siegbert n’eût que vingt-trois ans, il était déjà fort recherché, tant pour le charme de sa personne que pour son nom, l’un des plus anciens et des plus illustres du patriciat autrichien. Quant à la fortune, bien que certainement diminuée par la faute du comte Chlodwig, autrefois prodigue et joueur, on la supposait encore considérable.