La rencontre du chevalier et du savoir au XIIe siècle peut sembler paradoxale. Pourtant, elle se mêle inextricablement à la renaissance intellectuelle de cette période, mouvement décisif pour l'histoire de l'Occident. Le chevalier n'évolue pas seulement sur les champs de bataille, mais aussi dans les cours de plus en plus cultivées et raffinées. Son intérêt pour les classiques latins, son goût pour la lecture, voire sa propre poésie prouvent tout le contraire. Ce mécène éclairé a appris dans son enfance à lire en latin dans le psautier de sa mère aimante. Il patronne les jongleurs, il discute de littérature avec les clercs, à la fois intellectuels avant la lettre et prêtres, qui essaient au passage de réformer sa conduite, souvent brutale. Au fur et à mesure que leur culture livresque se développe, les chevaliers apprennent à réprimer leur propre violence à la guerre. Leurs lectures leur apprennent également les mots pour parler courtoisement aux femmes. À table, les contenances sont désormais de mise, tout comme la préciosité du langage, l'élégance des vêtements ou la mesure des gestes. Une révolution mentale est ainsi en oeuvre chez les élites laïques, qui, au contact avec le clergé savant, apprennent à mettre leurs armes au service du bien commun sous la direction du roi. Contre Norbert Elias, Martin Aurell démondre que la civilisation des moeurs a commencé quatre siècles plus tôt.
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