Extrait
I
Élisabeth se pencha un peu plus pour mieux voir le cavalier qui passait sur la route, le long de la roche abrupte, dure assise du château de Montparoux.
Sans souci du danger, ni du vertige, elle était assise sur l’appui à demi ruiné d’une baie en arc d’ogive ouverte directement sur l’à-pic de la falaise. Les jambes fines et brunes pendant au-dehors, les pieds minces chaussés de sandales battaient la roche couleur de rouille. Qui l’eût vue dans cette périlleuse attitude aurait frissonné d’effroi. Mais le cavalier ne regardait pas au-dessus de lui. Bientôt il disparut au tournant de la route. Alors, Élisabeth se redressa, fit un rétablissement et se trouva debout dans la baie qui encadrait sa maigre silhouette d’adolescente, sa tête aux boucles brunes un peu en désordre.
L’après-midi tendait vers sa fin. Les sapins qui couvraient les hauteurs, face à Montparoux, s’éclairaient aux dernières lueurs du couchant. Des clochettes de troupeaux tintaient, musique légère, dans l’air silencieux qui prenait déjà son parfum du soir, parfum de forêt et d’eau fraîche. Car la rivière, folle, bondissante, bordait la route qui menait de Montparoux à Lons-le-Saunier, en passant par le village de Sauvin-le-Béni. Celui-ci, au pied des sapinières, étendait ses maisons anciennes et ses jardins fleuris de passeroses, de soleils, de petits œillets. Des prés le joignaient et quelques champs que commençaient de quitter les travailleurs pour regagner le logis.
Un reflet de cette lumière prête à mourir arrivait encore aux vieux murs du château, crevassés, roussis par les intempéries séculaires. Il éclairait le mince visage d’un ovale un peu long, d’une mate et fine blancheur, les yeux mordorés, couleur de châtaigne, de feuille d’automne touchée par le soleil, changeants comme la nature elle-même aux différentes heures du jour. Élisabeth demeurait là, debout, les mains croisées sur la vieille ceinture de cuir qui serrait à la taille sa robe de toile bleu passé à petites raies blanches. Son regard errait sur les pins illuminés, sur le village paisible au bord de la rivière. Mais elle pensait à autre chose, car un pli se formait sur la belle ligne du front dégagé de la chevelure indisciplinée, une contraction rapprochait les sourcils nettement dessinés, qui étaient doux et soyeux, d’un brun plus clair que les cheveux...
I
Élisabeth se pencha un peu plus pour mieux voir le cavalier qui passait sur la route, le long de la roche abrupte, dure assise du château de Montparoux.
Sans souci du danger, ni du vertige, elle était assise sur l’appui à demi ruiné d’une baie en arc d’ogive ouverte directement sur l’à-pic de la falaise. Les jambes fines et brunes pendant au-dehors, les pieds minces chaussés de sandales battaient la roche couleur de rouille. Qui l’eût vue dans cette périlleuse attitude aurait frissonné d’effroi. Mais le cavalier ne regardait pas au-dessus de lui. Bientôt il disparut au tournant de la route. Alors, Élisabeth se redressa, fit un rétablissement et se trouva debout dans la baie qui encadrait sa maigre silhouette d’adolescente, sa tête aux boucles brunes un peu en désordre.
L’après-midi tendait vers sa fin. Les sapins qui couvraient les hauteurs, face à Montparoux, s’éclairaient aux dernières lueurs du couchant. Des clochettes de troupeaux tintaient, musique légère, dans l’air silencieux qui prenait déjà son parfum du soir, parfum de forêt et d’eau fraîche. Car la rivière, folle, bondissante, bordait la route qui menait de Montparoux à Lons-le-Saunier, en passant par le village de Sauvin-le-Béni. Celui-ci, au pied des sapinières, étendait ses maisons anciennes et ses jardins fleuris de passeroses, de soleils, de petits œillets. Des prés le joignaient et quelques champs que commençaient de quitter les travailleurs pour regagner le logis.
Un reflet de cette lumière prête à mourir arrivait encore aux vieux murs du château, crevassés, roussis par les intempéries séculaires. Il éclairait le mince visage d’un ovale un peu long, d’une mate et fine blancheur, les yeux mordorés, couleur de châtaigne, de feuille d’automne touchée par le soleil, changeants comme la nature elle-même aux différentes heures du jour. Élisabeth demeurait là, debout, les mains croisées sur la vieille ceinture de cuir qui serrait à la taille sa robe de toile bleu passé à petites raies blanches. Son regard errait sur les pins illuminés, sur le village paisible au bord de la rivière. Mais elle pensait à autre chose, car un pli se formait sur la belle ligne du front dégagé de la chevelure indisciplinée, une contraction rapprochait les sourcils nettement dessinés, qui étaient doux et soyeux, d’un brun plus clair que les cheveux...