Le père d’Hoël, officier, avait épousé une jeune fille sans fortune. Quand Hoël, à sept ans, se trouva orphelin, il n’avait guère, comme ressource, que sa pension d’enfant de militaire. Le marquis de Pendeguy, son grand-oncle paternel, le recueillit à Kerlozo. Le vieillard vivait là, dans la solitude, avec une seule servante, presque aussi âgée que lui. Il ne sortait guère, sinon pour aller jeter un coup d’œil sur ce qu’il appelait pompeusement « ma bergerie », laquelle se composait de six moutons maigres que suffisait à garder un vieux chien hargneux et pelé, à demi aveugle. Le reste du temps, Monsieur de Pendeguy consultait les anciennes chroniques de sa maison, prenait des notes, se promenait pendant des heures à travers les ruines de sa demeure, en marmottant et en faisant de grands gestes. Dans le pays, on le croyait un peu fou. Cependant, il avait le regard très lucide et conversait de façon sensée, quand, par hasard, il daignait adresser la parole à quelqu’un. Il se disait très pauvre et portait des vêtements minables qui semblaient avoir reçu toutes les pluies du ciel breton, depuis un demi-siècle. Certains le prétendaient surtout avare. Mais le vieux marquis, sans s’inquiéter de ces jugements, continuait son existence frugale et solitaire, que ne vint changer en rien la présence du petit Hoël.