Parce, qu'il avait été sacré par le Pape, Napoléon a considéré qu'il était revêtu d'un caractère ineffaçable, qu'il était devenu un souverain égal à tous les souverains, qu'il ne pouvait point être discuté comme tel, qu'il était l'oint du Seigneur, et que, si son empire n'avait point reçu une institution divine, il s'en fallait de peu. On ne saurait dire qu'il le crût, mais il prétendait au moins le faire croire, et, en vérité, des illusions qu'on donne à celles qu'on prend, le pas est si vite franchi qu'on peut se demander si ici il ne l'a pas été. Tout au moins, dans la foi qu'il avait placée en sa destinée, n'avait-il pas, quoiqu'il s'en soit défendu, admis une part de fatalisme qui devait le rendre plus apte qu'homme au monde, à subir l'impression qu'il avait été désigné, qu'il remplissait, qu'il accomplissait une mission. Certes, de cela, il ne s'explique point, ou il s'explique confusément. Mais cette croyance dont il peut être presque inconscient, qu'il ne raisonne point, qu'il essaie de réfuter, se fait jour par quantité de phrases échappées. Ainsi, lorsqu'il écrit à Joséphine : Toute ma vie, j'ai tout sacrifié, tranquillité, intérêt, bonheur, à ma destinée ; lorsqu'il lui écrit : Je dépends des événements ; je n'ai pas de volonté ; j'attends tout de leur issue ; et encore : Plus on est grand, et moins on doit avoir de volonté ; l'on dépend des événements et des circonstances ; qu'est-ce que la Destinée, si elle n'est point providentielle, que, valent les événements s'ils ne tiennent qu'au hasard ? Qui parle de sa destinée, entend bien qu'il est prédestiné. De la désignation, l'institution divine n'est qu'une conséquence et comme une confirmation, mais n'est-ce pas que devant les yeux de celui qui la reçoit, cette institution devient effective et valable, s'impose à l'esprit, l'obsède et le conquiert ? Ce n'est point à dire que Napoléon, dans la suite de ses actes, se crût (jusqu'en 1810) moins obligé de faire effort. Il ne manque pas dans l'histoire de souverains, fort convaincus de leur droit divin, qui besognent à leur gouvernement, et ont le sentiment fort net que leur action continue y est nécessaire. Mais on les reconnaît pour des croyants, à des phrases, à des mots ou des gestes. ll semble bien que ces phrases ; ces mots, ces gestes, se trouvent chez Napoléon à partir du Couronnement. Cet ouvrage revient sur les enjeux politiques et secrets de ce couronnement pour mieux comprendre le destin tragique du premier empereur des Français.
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