De la sortie des Héritiers (1964) à la Misère du monde (1993), Pierre Bourdieu a occupé une place importante dans la vie intellectuelle : objet de nombreuses critiques puis de larges célébrations, sans changer le moins du monde une théorie très vite échafaudée, il n'a cessé de faire de la polémique une arme "scientifique", et de critiquer ses critiques. Profitant de l'audience élargie que lui a conférée la Misère du monde, le "savant" s'est transformé en "militant scientifique", plus avide d'interventions sur les estrades politiques que de réflexion. Travaillant depuis vingt ans sur la place des intellectuels aux extrêmes de l'espace politique et sur leur rôle dans des combats souvent antidémocratiques, je me suis arrêtée sur l'oeuvre complète de Bourdieu - léninisme pessimiste rehaussé par un lourd apparat scientifique -, puis sur le rôle du doctrinaire, peu soucieux d'expliquer ceux dont il s'improvise le porte-drapeau et voulant s'imposer comme "intellectuel total". Jeannine Verdès-Leroux, directeur de recherche au CNRS, a entrepris cet essai après des travaux sur le parti communiste, les intellectuels et la culture (Au service du Parti, 1983, le Réveil des somnambules, 1986) ; sur les intellectuels d'extrême gauche et la "révolution cubaine" (la Lune et le caudillo, 1989) ; sur la politique et la littérature à l'extrême droite, des années trente à la Libération (Refus et violences, 1996).
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