L'élaboration de l'idée de nation juive a débuté bien avant que le mouvement sioniste ne s'organise et s'est prolongée bien après la création d'Israël. Dans Les Mots et la Terre, Shlomo Sand s'interroge sur la contribution des intellectuels juifs et israéliens à ce processus. Il étudie et met en cause un à un tous les mythes fondateurs de l'État d'Israël, à commencer par celui d'un peuple déraciné par la force, un peuple race qui se serait mis à errer de par le monde à la recherche d'une terre d'asile. Un peuple qui se définira donc sur une base biologique ou « mythologico-religieuse », comme l'attestent les termes d'« exil », de « retour », de « montée » vers la terre d'origine, qui nourrissent toujours les écrits politiques, littéraires ou historiques israéliens. La majorité des intellectuels en Israël persistent à assumer depuis 1948 cet imaginaire ethno-national et à embrasser une identité étatique exclusive à laquelle seuls les juifs peuvent s'associer. Les premières fissures dans cette conception dominante n'ont fait leur apparition qu'au cours des années quatre-vingt, à travers les travaux novateurs d'historiens que l'on a qualifiés de « post-sionistes ». En rappelant également la façon dont les clercs israéliens se sont positionnés face à la guerre du Golfe dans un contexte de modernisation des moyens de communication, c'est finalement à une réflexion globale sur le statut de l'intellectuel dans nos sociétés que nous convie Shlomo Sand.
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