Les textes critiques ici recueillis constituent le fruit du travail de formation que j’ai conduit dans une classe de Littérature Française du Master en “Lingue, Letterature e Culture Straniere” de la Faculté de Sciences Linguistiques et Littératures Étrangères de l’Università Cattolica del Sacro Cuore de Milan pendant l’année académique 2017-2018. Le mot “fruit” m’a paru préférable à son synonyme pédagogiquement plus correct de “produit”, car on le verra, le travail des étudiantes concernées démontre aisément que la littérature peut être profitable. Comme Rita Felski l’observe très justement, en effet The pragmatic [...] neither destroys nor excludes the poetic. To propose that the meaning of literature lies in its use is to open up for investigation a vast terrain of practices, expectations, emotions, hopes, dreams, and interpretations. Les objectifs formateurs du Master prévoient que les étudiants acquièrent d’un côté “des connaissances avancées dans la culture et/ou la littérature des civilisations européennes modernes et américaines, ainsi qu’une compétence assurée en deux langues européennes ou américaines” et de l’autre une “solide maîtrise du patrimoine culturel des civilisations dont les langues choisies sont l’expression”3. Parmi les compétences prévues par le curriculum compte l’acquisition d’instruments théoriques et pratiques pour l’analyse des textes, en vue de la préparation à l’enseignement mais aussi à d’autres parcours professionnels, tels que la traduction ou la rédaction de textes en langues étrangères. Ceci revient à dire, dans le domaine littéraire, l’acquisition d’un regard critique, et de la conscience que l’interprétation objective, idéologiquement neutre (ou pire, technique) d’un texte littéraire n’existe pas. Elle n’existe évidemment pour aucun texte, mais dans cet encadrement pédagogique il était impératif que des étudiants qui avaient appris à appliquer des modèles d’analyses fournis dans les cours de licence, comprennent que ces mêmes modèles ne représentent pas la ‘bonne’ lecture, mais que tout modèle adopte un point de vue, un regard qui ne se borne pas à ‘traduire’ le texte pour un public de ‘non avertis’. Bien plus sérieusement, ces grilles – au sens presque de la cryptographie, de “carton présentant des jours à l’aide duquel on code et décode un message secret”4 – impliquent une lecture du monde, une prise de position sur le réel, non seulement littéraire. Il s’agissait donc d’utiliser la littérature, dans le sens de Rita Felski, non comme un objet qu’on s’apprêterait à observer au travers de la lentille d’un microscope pour le comprendre une fois pour toutes, mais bien plutôt comme un objet dont nous observerions les déformations et les distorsions pour évaluer nos lunettes5.