Une réflexion philosophique sur la médecine
Conçu dans une perspective historique longue, le développement de la médecine semble marqué par la coexistence en son sein d'une urgence à laquelle il faut répondre et d'un manque auquel il faut remédier. Cette urgence, c'est celle du soin à prodiguer à celui qui souffre, ici et maintenant, pour que justement cette souffrance cesse. Ce manque, c'est celui d'une connaissance objective qui permettrait de comprendre les mécanismes des maladies afin d'y mettre un terme, de soigner les souffrances qu'elles occasionnent en connaissance de cause. Or, c'est bien la reconnaissance conjointe de cette urgence et de ce manque qui peuvent expliquer pourquoi les espoirs, tantôt mesurés, tantôt immenses, mis en la médecine ont si souvent été déçus : si « le salut du malade passe par la science » (per scientiam ad salutem ægroti) et que la science fait défaut, quel salut pour le malade ? D'où l'injonction faite à l'art médical, tout au long de son histoire, de se fonder sur une connaissance du normal et du pathologique ou, encore plus radicalement, celle faite à la médecine de devenir scientifique. Ainsi seulement, pensait-on et pense-t-on encore aujourd'hui, pourrait-on garantir avec certitude tout à la fois l'exactitude du diagnostic, la fiabilité du pronostic et l'efficacité de la thérapeutique, idéal méthodologique admirablement capturé par une maxime positiviste fameuse : « science d'où prévoyance, prévoyance d'où action ». C'est l'écart entre cet idéal - ou ce rêve - méthodologique et le développement historique effectif de la médecine que les articles réunis dans ce volume contribuent à éclairer.
Un ensemble d'articles qui se penchent sur différentes facettes de la médecine scientifique telles que son idéal, sa méthodologie, son approche, ses limites, son évolution
EXTRAIT
De leur côté, les médecins praticiens avaient eux aussi leurs propres soucis. L'enseignement médical mettait l'accent sur deux manières de prendre de bonnes décisions cliniques : la médecine était à la fois une science et un art. Or, ni la science ni l'art ne fournissaient de base solide à la décision clinique. La science médicale dérivait des sciences fondamentales traditionnellement enseignées dans les facultés de médecine, sciences de laboratoire comme l'anatomie et la physiologie. Lorsqu'il fallait appliquer cette science au lit du malade, l'art prenait le dessus. Cet art était enseigné avec autorité par d'éminents cliniciens qui guidaient un apprentissage de plusieurs années.
À PROPOS DES AUTEURS
Anne Fagot-Largeault, MD, PhD, docteur ès lettres, est professeur au Collège de France, chaire de philosophie des sciences biologiques et médicales. Sous sa direction, plusieurs auteurs ont participé à la rédaction de cet ouvrage : Jean-Paul Amann, Christian Brun-Buisson, Sir Iain Chalmers, Harris Cooper, Pierre Corvol, Jeanne Daly, Claude Debru, Élodie Giroux, Hee-Jin Han, Jean-Claude K. Dupont, Alain Leplège, Alfredo Morabia, Olivier Steichen, Zbigniew Szawarski, Ulrich Trölher et Larry V. Hedges.
Conçu dans une perspective historique longue, le développement de la médecine semble marqué par la coexistence en son sein d'une urgence à laquelle il faut répondre et d'un manque auquel il faut remédier. Cette urgence, c'est celle du soin à prodiguer à celui qui souffre, ici et maintenant, pour que justement cette souffrance cesse. Ce manque, c'est celui d'une connaissance objective qui permettrait de comprendre les mécanismes des maladies afin d'y mettre un terme, de soigner les souffrances qu'elles occasionnent en connaissance de cause. Or, c'est bien la reconnaissance conjointe de cette urgence et de ce manque qui peuvent expliquer pourquoi les espoirs, tantôt mesurés, tantôt immenses, mis en la médecine ont si souvent été déçus : si « le salut du malade passe par la science » (per scientiam ad salutem ægroti) et que la science fait défaut, quel salut pour le malade ? D'où l'injonction faite à l'art médical, tout au long de son histoire, de se fonder sur une connaissance du normal et du pathologique ou, encore plus radicalement, celle faite à la médecine de devenir scientifique. Ainsi seulement, pensait-on et pense-t-on encore aujourd'hui, pourrait-on garantir avec certitude tout à la fois l'exactitude du diagnostic, la fiabilité du pronostic et l'efficacité de la thérapeutique, idéal méthodologique admirablement capturé par une maxime positiviste fameuse : « science d'où prévoyance, prévoyance d'où action ». C'est l'écart entre cet idéal - ou ce rêve - méthodologique et le développement historique effectif de la médecine que les articles réunis dans ce volume contribuent à éclairer.
Un ensemble d'articles qui se penchent sur différentes facettes de la médecine scientifique telles que son idéal, sa méthodologie, son approche, ses limites, son évolution
EXTRAIT
De leur côté, les médecins praticiens avaient eux aussi leurs propres soucis. L'enseignement médical mettait l'accent sur deux manières de prendre de bonnes décisions cliniques : la médecine était à la fois une science et un art. Or, ni la science ni l'art ne fournissaient de base solide à la décision clinique. La science médicale dérivait des sciences fondamentales traditionnellement enseignées dans les facultés de médecine, sciences de laboratoire comme l'anatomie et la physiologie. Lorsqu'il fallait appliquer cette science au lit du malade, l'art prenait le dessus. Cet art était enseigné avec autorité par d'éminents cliniciens qui guidaient un apprentissage de plusieurs années.
À PROPOS DES AUTEURS
Anne Fagot-Largeault, MD, PhD, docteur ès lettres, est professeur au Collège de France, chaire de philosophie des sciences biologiques et médicales. Sous sa direction, plusieurs auteurs ont participé à la rédaction de cet ouvrage : Jean-Paul Amann, Christian Brun-Buisson, Sir Iain Chalmers, Harris Cooper, Pierre Corvol, Jeanne Daly, Claude Debru, Élodie Giroux, Hee-Jin Han, Jean-Claude K. Dupont, Alain Leplège, Alfredo Morabia, Olivier Steichen, Zbigniew Szawarski, Ulrich Trölher et Larry V. Hedges.
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