Un après-midi, Odon quitta son vieux château féodal de Montluzac, où il était arrivé l’avant-veille, et prit en automobile la direction de Capdeuilles. Il ne connaissait pas cette demeure, bâtie sous le règne de Louis XV par un Salvagnes de la branche cadette. Des divergences d’opinions politiques – les Salvagnes de Capdeuilles étaient bonapartistes et les Salvagnes de Montluzac monarchistes – avaient séparé depuis un siècle ces deux branches de la noble famille. Le père d’Odon s’étant rencontré à Paris avec Olivier de Capdeuilles, dans les salons mondains et les lieux de plaisir, il s’ensuivit entre eux quelques relations, d’ailleurs assez cérémonieuses. Monsieur de Capdeuilles, à cette époque, dépensait brillamment les restes d’une fortune déjà fort entamée par ses ascendants. Puis il disparut de la scène parisienne. Monsieur de Montluzac apprit qu’il s’était retiré dans son domaine périgourdin et ne s’en occupa plus, trop pris lui-même dans l’engrenage mondain pour se soucier d’un parent appauvri, et relativement peu connu. Étant donné ces relations dénuées d’intimité entre son père et le châtelain de Capdeuilles, Odon trouvait assez justement singulière la requête du vieillard. Mais cette singularité même constituait un attrait pour son esprit blasé et l’avait incité à ce voyage qui dérangeait cependant quelque peu ses projets – ce que son égoïsme se refusait d’accepter à l’ordinaire.