J’avais une nature énergique, peu encline à la mélancolie. Mais j’étais aussi avide d’affection, de confiance. À certains instants, je me sentais bien triste dans cette demeure étrangère, entre ces deux êtres dont l’un restait indifférent, dont l’autre m’était hostile. Car je ne me dissimulais pas que Madame Barduzac me détestait. Pourquoi ? Jalousie d’ex-jolie femme ? Car elle avait été jolie, paraît-il ! Je voulais bien le croire ; mais quelle décadence... ! Ou bien mesquine rancune de petite bourgeoise contre la noblesse de ma naissance ? C’était très possible encore. Mais surtout, nos natures se heurtaient sur tous les points. Ma vivacité de repartie, ma franchise, mon esprit d’indépendance l’exaspéraient... Nous vivions vraiment sur un pied de guerre perpétuel, depuis le jour où j’avais quitté mon couvent regretté, à dix-huit ans.