Extrait
I
La petite ville de Rocamore était bâtie sur une falaise rocheuse qui dominait la lente rivière aux belles eaux claires, vers laquelle se penchaient les saules et les yeuses. Une partie des remparts qui l’entouraient jadis subsistait encore, du côté de la basse ville, où se dressaient aussi les deux tours de la porte de l’Horloge. D’antiques demeures, la vieille église mi-romane, mi-ogivale, les halles aux belles voûtes avaient échappé aux saccages des luttes entre seigneurs rivaux, des guerres de religion, du vandalisme révolutionnaire. Très vieille cité, qu’avait précédé un oppidium romain si l’on en croyait les archéologues périgourdins. Et l’un d’eux disait même que ce sol rocheux, creusé de souterrains où se réfugiaient autrefois les habitants de Rocamore lors des sièges, devait recéler des habitats préhistoriques. Mais personne, dans la ville, ne s’intéressait à ce très lointain passé. Les gens de Rocamore aimaient leurs vieilles pierres, leurs jardins riches en fleurs et en fruits et ne s’en éloignaient guère, ou du moins pour peu de temps. Au reste leur existence, en ce milieu du XIXe siècle, ne différait guère de celle que menaient leurs aïeux des siècles précédents, sinon qu’ils utilisaient parfois le chemin de fer pour aller à Périgueux ou, beaucoup plus rarement, pour faire un court séjour à Paris ou à Bordeaux.
Dans la rue des Fontaines s’élevait un très grand logis, bâti en longueur, avec un étage surmonté de hauts toits. Ses fondations dataient des premiers temps du moyen âge, assurait-on. Sur ses murs épais, les siècles avaient passé sans aucun dommage. Sa physionomie extérieure restait la même que jadis. La porte cochère avait toujours son lourd marteau de bronze représentant une tête d’homme barbu, et plus loin le vantail d’une autre porte, sous une petite voûte cintrée, conservait ses clous soigneusement polis par la main diligente d’un serviteur...
I
La petite ville de Rocamore était bâtie sur une falaise rocheuse qui dominait la lente rivière aux belles eaux claires, vers laquelle se penchaient les saules et les yeuses. Une partie des remparts qui l’entouraient jadis subsistait encore, du côté de la basse ville, où se dressaient aussi les deux tours de la porte de l’Horloge. D’antiques demeures, la vieille église mi-romane, mi-ogivale, les halles aux belles voûtes avaient échappé aux saccages des luttes entre seigneurs rivaux, des guerres de religion, du vandalisme révolutionnaire. Très vieille cité, qu’avait précédé un oppidium romain si l’on en croyait les archéologues périgourdins. Et l’un d’eux disait même que ce sol rocheux, creusé de souterrains où se réfugiaient autrefois les habitants de Rocamore lors des sièges, devait recéler des habitats préhistoriques. Mais personne, dans la ville, ne s’intéressait à ce très lointain passé. Les gens de Rocamore aimaient leurs vieilles pierres, leurs jardins riches en fleurs et en fruits et ne s’en éloignaient guère, ou du moins pour peu de temps. Au reste leur existence, en ce milieu du XIXe siècle, ne différait guère de celle que menaient leurs aïeux des siècles précédents, sinon qu’ils utilisaient parfois le chemin de fer pour aller à Périgueux ou, beaucoup plus rarement, pour faire un court séjour à Paris ou à Bordeaux.
Dans la rue des Fontaines s’élevait un très grand logis, bâti en longueur, avec un étage surmonté de hauts toits. Ses fondations dataient des premiers temps du moyen âge, assurait-on. Sur ses murs épais, les siècles avaient passé sans aucun dommage. Sa physionomie extérieure restait la même que jadis. La porte cochère avait toujours son lourd marteau de bronze représentant une tête d’homme barbu, et plus loin le vantail d’une autre porte, sous une petite voûte cintrée, conservait ses clous soigneusement polis par la main diligente d’un serviteur...