On a beaucoup ironisé sur la Constitution de la IIe République, car elle n'a pu garantir ni elle-même ni la République. On a reproché à ses membres d'être restés trop fidèles à des principes (assemblée unique, président de la République élu par le peuple) alors que, de jour en jour, l'ombre de Bonaparte menaçait. C'est injuste: chaque principe a été examiné dans son fondement (souveraineté du peuple, séparation des pouvoirs, égalité des citoyens), mais aussi en fonction de ses applications pratiques; certes, bien des constituants ont parfaitement vu ce que serait l'avenir, et certains l'ont même prophétisé en termes très clairs. Mais les conditions économiques et sociales étant ce qu'elles étaient _ une paysannerie déprimée par la chute des prix agricoles, des ouvriers dont les émeutes inquiétaient et enfin le souvenir de la gloire de l'Empire _, comment arrêter la montée de Louis Napoléon que les élections partielles plaçaient en tête des suffrages? Ce n'était pas par des textes constitutionnels qu'il était possible d'y parvenir. Les hommes de 1848 ont apporté beaucoup à la pensée constitutionnelle et politique de notre temps; il est bon de leur rendre hommage. En deux siècles, treize constitutions se sont succédé en France. Or une constitution n'est pas qu'un instrument juridique. Elle exprime toujours une certaine conception du pouvoir et de l'Etat, et traduit un rapport de forces politiques. D'où l'intérêt d'une Histoire des Constitutions, conçue non pas en termes de droit constitutionnel, mais comme un révélateur des idées et des forces politiques en France depuis la Révolution. François Luchaire, agrégé de droit public, professeur de droit constitutionnel, président honoraire de l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, conseiller d'Etat en service extraordinaire, a été membre du Conseil constitutionnel.
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