Il existe aujourd'hui une fracture grandissante dans la société française, encore peu visible mais très profonde : alors que l'époque vénère la jeunesse et ses « valeurs », toute une frange de la population pressent, sans oser le formuler, que les jeunes souffrent de lacunes graves. Les outils de transmission ont été détruits à tous les niveaux : école, langue, références morales et culturelles. Fait parmi d'autres, pour la première fois en 1999, un rapport officiel reconnaissait que plus de 15% des élèves entrent en sixième sans savoir lire. Mais la décrépitude du système scolaire n'est qu'un des aspects de cette crise qui touche de plus en plus les classes moyennes et les élites proclamées. Les conséquences seront bientôt visibles. Est-il réactionnaire de soulever ce problème, de tenter de comprendre ce qu'il révèle ? La question dépasse le clivage gauche/droite, auquel on superpose l'affrontement traditionnalistes-modernistes. D'un côté, un discours lénifiant, de l'autre, l'invocation incantatoire de l'autorité des maîtres et des « bonnes vieilles méthodes », sans la moindre réflexion sur les conditions de cette autorité et le contenu du savoir à transmettre. Pourtant, c'est le destin de la société entière qui est en jeu : d'un point de vue utilitariste, cette fracture hypothèque d'abord le tissu économique. Et puis, la conception française de la démocratie repose sur l'idée d'un peuple éclairé, seul garant contre la démagogie et la tyrannie. Mais dans une société qui cultive la haine du passé, et encourage les bons consommateurs à oublier le poids des traditions, qu'advient-il de la « culture commune » ? Par idéologie, par indifférence et par soumission au cours des choses, nous mettons l'avenir en danger.
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