Le roman raconte l'histoire d'une femme du monde, froide et sans coeur, frigide ou lesbienne peut-être, comme Maupassant en a connu, qui se livre ici plus que dans aucun de ses romans. Le héros, face à cet être fascinant et redoutable, prend une autre maîtresse, qui ne lui suffit guère. Il est dévasté par une passion amoureuse, violente, mélancolique et cruelle. C'est un roman douloureux, écrit par un Maupassant déjà malade, et qui dit comme un adieu aux femmes qui ont été le désir, le tourment, et les victimes de sa vie. On y voit le personnage de l'artiste qui se dégrade, écrit de moins en moins, face à la femme moderne, produit d'une société parvenue à un point critique. Comme dans le remarquable Sur l'eau, c'est un aspect inattendu de l'art de Maupassant, dans la longue durée du roman, qui se révèle ici. Après Notre cœur (1890), Maupassant sombre dans la folie qui l'emportera trois ans plus tard. Or ce dernier roman publié, loin de marquer le crépuscule d'une inspiration que le temps et la maladie auraient tarie, montre au contraire un souci de renouvellement, tant dans le rejet du naturalisme sordide, que par le choix d'un décor et d'un milieu élégants.Au cœur de Notre cœur, le cœur de Michèle de Burne, en proie aux tourments amoureux. Ce personnage féminin, autour de qui s'assemble un monde artiste, représente la modernité, à l'opposé de la rusticité archaïque de l'homme. Libre de toute contrainte, débarrassée des scrupules moraux et religieux qui hantaient une Emma Bovary, Michèle de Burne peut s'écrier : " Je suis trop moderne. " Cette " Eve future ", un brin factice, " insexuelle " et hostile à la maternité, annonce la " sphinge " et la garçonne des années suivantes, redoutable mais nécessaire transition entre un monde qui s'achève et celui qui ne se découvre pas encore.Présentation et notes par Francis Marcoin. ""