Grâce à cette Poétique du Petit Corps, Corinne Tisserand-Simon nous livre un manuel très neuf à l'usage du comédien qui aujourd'hui sait bien que le langage du corps est primordial et que le langage tout court passe par ce corps que toute une culture judéo-chrétienne a longtemps voulu reléguer au second plan. "Mais que foutait Dieu avant la Création", écrivait Beckett quelques temps après avoir rejeté sa culture judéo-chrétienne fortement teintée de protestantisme. Corinne Tisserand-Simon qui connaît bien le monde de Beckett fait ici un itinéraire beckettien du corps, explorant la béance initiale du souffle qui peu à peu donne naissance au corps et à la conscience du monde qu'il permet de forger au-delà de la douleur. Les acteurs trouveront ici, en particulier à propos de la bouche de gauche, comme de droite matière à redécouvrir le plaisir de comprendre comment chemine le souffle pour devenir mot à destination d'un public réceptif mais trop attentif jusqu'ici au contenu du verbe et pas assez à sa forme physique et sensible. Que le futur acteur, quand il regarde son partenaire ou qu'il cherche à accrocher le regard du spectateur se rappelle que "l'oeil est l'oeuf de la pensée".Philippe Rouyer,Université Michel-de-Montaigne-Bordeaux 3