"A la veille de l'éternité", Jean Giraudoux a écrit ces pages au cours des années 1941-1943. A l'autoportrait d'une âme qu'elles constituent avec tant de pudeur - il ne parle pas des êtres qui lui comptaient le plus, son fils, sa mère - il attachait de l'importance puisqu'il avait signée avec les Editions Bernard Grasset le 8 avril 1942 un contrat où figurait le titre Souvenir de deux existences. Son propos est évident : il entendait cerner sa vie par un point contrepoint quasi musical où s'uniraient sentis plus que pensés, parfois imaginés, choisis dans une nécessité secrète, les souvenirs lointains et les souvenirs récents, ceux du presque début, deux de la presque fin. Il n'avait pas de hâte et, s'il eût vécu, il aurait sans nul doute étoffé davantage. Où commence d'ailleurs, avec les souvenirs plus frais, la deuxième existence ? Après ma naissance en 1920 ou en 1940 après mon exil ? Il est probable que, dans un ouvrage achevé, la première évocation d'après 1940 eût suivi tout de suite celle liminaire de 1887. Cependant il m'a paru que l'essentiel de la fidélité consistait à maintenir d'abord l'alternance que suggérait le titre et, faisant fi d'une logique plus précise qui n'avait guère été le souci de l'auteur, la deuxième existence apparaît en janvier 1924 dans le livre tel qu'il subsiste. J'ai attendu trente et un ans avant de publier cette oeuvre parce qu'elle avait les accents d'un adieu et il me semblait que, devenu public, cet adieu serait comme une seconde mort. Posthume à son auteur, Souvenir de deux existences, ne pouvait-il, ne devait-il pas, être également posthume à l'héritier ? Le temps a dissipé ma crainte : Jean Giraudoux est encore vivant et il est manifeste qu'il le restera toujours. Son adieu demeure un à bientôt.
Postface de Jean-Pierre Giraudoux
Postface de Jean-Pierre Giraudoux
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