Une tournée historique du sultan aux confins du grand désert d'Arabie.En 1955, les vents du changement commençaient à souffler sur les montagnes et déserts du sultanat d’Oman. Les effluves troublants du pétrole promettaient de bouleverser cet État encore médiéval. Les rumeurs de révolte se mélaient aux intrigues de puissances étrangères. Pour le sultan, il était temps d’agir.Appuyé par les Britanniques, à l’époque encore influents, le souverain entreprit une grande tournée jusqu’aux coins les plus reculés de son royaume afin d’y affirmer son autorité. L’expédition quitta un beau matin la ville côtière de Salala en direction de Mascate, la capitale du Nord. Le voyage était historique, jamais le sultan n’avait parcouru l’intérieur de son pays.Ce fut probablement la dernière traversée « classique » du grand désert avant la révolution du pétrole – et la première en véhicule motorisé. Le sultan invita Jan Morris, alors journaliste au Times, à l’accompagner comme observateur.Le récit de cette aventure royale, tout en finesse et non dénué d’humour, est une ode à un monde disparu.EXTRAITNous ne nous arrêtions pas pour manger, ni vérifier nos pneus, ni nous allonger à l’ombre de nos camions, comme font les soldats ou les camionneurs, mais à midi, le convoi faisait halte pour les prières. Alors toute la compagnie, sauf peut-être de rares domestiques profanes et impénitents, s’égaillait discrètement dans le désert, accomplissait d’abord ses ablutions puis ses dévotions : les Noirs dans leurs chandails bleus ; les Bédouins, qui déposaient leurs fusils à côté d’eux, dans leurs belles robes amples ; le cadi, avec un craquement audible de ses os ; le sultan, à présent vêtu d’une robe couleur fauve pour le voyage. C’était un spectacle émouvant, me disais-je, de les voir ponctuer le désert autour de nous, bleus, noirs, bruns et blancs, se prosterner au soleil avec les mouvements souples et gracieux que l’islam exige du fidèle ; quand le klaxon du sultan sonnait au loin, c’était drôle de les voir revenir en hâte et sauter dans les camions, dans une diversité si effrénée de costumes, souvent gênants, les cheiks de Yal Wahiba toujours bons derniers, qui allaient en trottinant, vifs et saccadés, comme de superbes gros oiseaux.À PROPOS DE L'AUTEURNée en 1926, Jan Morris est l’un des plus célèbres écrivains de voyage de langue anglaise. Elle est l'auteur de Pax Britannica, une histoire de l’empire britannique, et de délicats portraits de Venise, Trieste, Oxford, New York ou Hong Kong. Elle vécut et écrivit sous son nom James Morris jusqu’en 1972, année où elle a changé de sexe.