L'idée centrale et inhabituelle de la Morale du théologien danois Hans Lassen Martensen (1808-1884) consiste à considérer le salut dans son objet collectif plutôt qu'individuel ; le Rédempteur sauve la personne, non pas tant pour lui épargner l'enfer et assurer sa félicité éternelle, que pour atteindre le reste de l'humanité à travers elle. En son temps, cette préoccupation solidaire et sociale attachée à l'Évangile ne fut pas bien perçue par les milieux piétistes, dans lesquels la religion se résume à un mysticisme personnel ; la théologie de Martensen provoqua même les foudres de Kierkegaard, philosophe à l'individualisme farouche. Plus d'un siècle après, alors que les nations occidentales se sont presque complètement déchristianisées, et que leurs moeurs ont rompu tous les freins, on doit néanmoins constater qu'une conscience collective s'est développée : l'humanité n'est ni devenue plus pure ni plus droite, mais du moins elle s'interroge sur le bien et le mal au niveau sociétal et planétaire. C'est pourquoi on trouvera dans l'ouvrage de Martensen, malgré ses longueurs, de belles pages, qui apportent la seule réponse qui soit à ce questionnement : l'amour du Créateur souverain, du Dieu trinitaire, manifesté en Jésus-Christ. Le théologien montre comment l'éthique chrétienne nous conduit d'elle-même à ce que le dogme affirmait : « Cette libre manifestation de l'amour de Dieu dans le monde et au profit du monde, suppose déjà la parfaite toute puissance de l'amour divin dans la sein de Dieu, autant dire l'amour du père par le fils, dans la communion du Saint-Esprit... de toute éternité, renfermant en lui-même la distinction des personnes, le moi et le toi, Dieu a pu connaître les intimités et les réciprocités de l'amour.» Cette numérisation ThéoTeX reproduit la traduction de 1892 par Gustave Ducros.
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