La réflexion de saint Thomas d'Aquin sur l'éternité et le temps, que l'on ne saurait réduire à sa reprise dans l'école thomiste moderne, aboutit à manifester l'unité intime des deux termes tout en affirmant la distance infinie entre eux. Heidegger a systématiquement rejeté la pertinence philosophique de l'opposition temps/éternité. Néanmoins, la tension propre au concept heideggérien de temps peut être mise en parallèle avec la conception thomasienne du rapport temps/éternité, à condition de respecter les délimitations principales que posent chacun des penseurs. La découverte de l'actus essendi, concept-clé de la philosophie de l'Aquinate, ainsi que l'approche phénoménologique qui aide à saisir le rôle insigne de la conscience humaine dans la conception thomasienne de la création et dans celle du rapport à la transcendance divine, mettent en branle la réflexion heideggérienne sur la conjonction de l'être et du temps, conjonction qui conduit à postuler la différence dans l'identité de l'Ereignis.